Après Microsoft, voici venu le tour d’Apple d’investir à Paris. D’après nos informations, le géant de Cupertino a racheté en toute discrétion la start-up Datakalab, spécialisée dans la compression d’algorithmes et l’analyse d’image par intelligence artificielle, le 17 décembre dernier. Le montant de la transaction n’est pas connu, mais l’opération a été notifiée à la Commission européenne. Et elle représente un important investissement pour Apple, qui a pris 100 % de participation dans cette société fondée il y a sept ans par les frères Xavier et Lucas Fischer. Contacté, Apple n’a pas souhaité faire de commentaire sur cette acquisition.
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Ce rachat pointe en tout cas l’intérêt du fabricant de iPhones pour l’intelligence artificielle, devenue la nouvelle mine d’or de la Silicon Valley. Pourtant, ce n’est pas en Californie que l’américain est allé chercher sa nouvelle pépite, mais bien dans le XVIIe arrondissement de Paris, près du Parc Monceau, où Datakalab emploie une dizaine d’experts, dont des chercheurs issus des plus prestigieuses écoles parisiennes comme la Sorbonne Université, Centrale et Polytechnique.
Des émotions à la compression des algorithmes
Fondée en 2017, la start-up n'a pas toujours été spécialisée dans les algorithmes. Ses fondateurs, dont le publicitaire Frank Tapiro fait partie, ont d’abord exploré l'usage de l'IA pour lire les émotions sur les visages. En 2021, on retrouve son logiciel utilisé par la RATP, la ville de Cannes ou des salles de concert pour détecter le port obligatoire du masque. L’institut de mesure Médiamétrie l’expérimente au cinéma pour mesurer les émotions des spectateurs... Mais au-delà de ces quelques contrats, le marché est encore trop jeune. Car le sujet fait peur.
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Faute de réglementation claire, Datakalab tente de faire bouger les lignes auprès des élus qui associent à tort son projet à de la reconnaissance faciale. Un échec, malgré son lobbying. En 2022, celle-ci change donc de stratégie et se rabat sur un problème plus spécifique : la compression des algorithmes. Un défi technique essentiel pour Apple et ses concurrents, qui doivent à tout prix rendre l’intelligence artificielle moins gourmande en énergie et faire rentrer cette technologie dans ses iPhone, ses iPad et ses MacBook. L’idée ? La quantification, ou l’art de réduire la complexité des calculs. Une méthode d'approximation, qui permet d'accélérer la vitesse d'inférence des modèles d'IA.
Une opportunité économique
Cette opération magique est aussi économique. « Avec la compression, on peut passer d’un semi-processeur Nvidia à 10 000 euros à une puce STMicroelectronics à quelques centimes », explique un proche de l’entreprise. Un gain d’efficacité devenu l’alpha et l’oméga de tous les fabricants de hardware aujourd’hui. D'autant que le carnet de commandes de Nvidia est plein jusqu’en 2025. Impossible pour le géant américain de répondre à toutes les demandes. Dans le même temps, peu de start-up ont encore investi le terrain de la quantification. Datakalab ne compte ainsi que quelques concurrents américains, comme Octo Ai (Seattle), Neural Magic (Somerville) et un acteur israélien, Deci AI (Ramat Gan).
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A ce jour, la start-up a déjà déposé 5 à 10 brevets et génère plus d’un million de revenus par an. Un chiffre d’affaires qui permet d’estimer à plusieurs millions d’euros au moins le rachat de Datakalab par Apple. D’après plusieurs sources, ses fondateurs ne devraient pas rester chez Apple et ont déjà quitté l’entreprise. Quant à Frank Tapiro, il a déjà revendu ses parts dans la société depuis plus de deux ans. Le géant Apple aura donc les mains libres pour intégrer la start-up parisienne, après avoir racheté en mars la start-up Darwin AI. Car la marque à la Pomme doit encore consolider sa présence dans le domaine de l'IA. Jusque là, elle n'a pas encore annoncé de percée décisive.